Jeann d'Arc



Jeanne d'Arc

De Luc Besson
Avec Milla Jovovich, John Malkovich, Faye Dunaway, Dustin Hoffman

Après avoir assisté au massacre de sa sœur par les envahisseurs anglais, Jeanne entend des voix qui lui ordonnent de couronner le Dauphin de France et de chasser les Anglais.





Jeanne, ou l’idéal de la femme au foyer

Luc Besson livre ici «son» histoire, basée sur le personnage de Jeanne, la «Pucelle d'Orléans». Il n’est donc ici pas question d’une reconstitution authentique ou d’une biographie exhaustive. On suit bien la jeune Jeanne de son enfance à sa mort, mais à grand renforts d’ellipses. Et si les moments clés sont bel et bien présents, on ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment de raccourcis et de simplifications.

Du visuel

L’aspect filmique du long-métrage est inégal. Impossible de savoir si le fait que le réalisateur et la vedette étaient soi-disant «ensemble» à l’époque du tournage, mais Milla Jovovich est presque toujours au centre de l’écran. Bien entendu, on pourra trouver une signification à cela, comme si l’image venait souligner le propos du film (j’y reviendrai plus tard). Cependant, les «transes» de Jeanne sont à mi-chemin entre un clip de la fin des années 80 et un clip de Pink Floyd, la musique en moins. Fondamentalement, cela n'a pas été rebutant. Mais au terme du film, aucune séquence ne m'a particulièrement ému par ses couleurs, sa lumière ou sa mise en scène.
Pour celles-et ceux qui sont sensibles au sang et à la violence, sachez que si les premières batailles sont étrangement propres, cela part vite en bain de sang, avec décapitations et amputations diverses par la suite.


Du charnel

Plus je connais Luc Besson au travers de ses films, plus j'ai l'impression qu'il s'agit d'un homme avec un certain talent, mais en régression sur le fond de ses œuvres. Si des Subway (1985), Nikita (1990) ou Léon (1994), voire Le grand bleu (1988), constituaient des histoires dotées de personnages profonds, il n'en est plus de même avec des films du calibre d'un Cinquième élément (1997), ni même The Lady (2011) que je traiterai prochainement.

Pour autant, le personnage de Jeanne d'Arc n'est pas creux. Elle passe plus pour une folle illuminée que pour l'héroïne qui libéra la France (du moins, celle que l'on présente dans les livres d'histoire). Si cette approche peut surprendre, elle se tient jusqu'au terme du récit et donne même lieu à des réflexions très intéressantes lors de ses discussions avec Dieu ("incarné" par Dustin Hoffman).

En revanche, les autres personnages sont vides. John Malkovich, Vincent Cassel,... Peut-être que Faye Dunaway est la seule à s'en sortir avec un semblant de consistance. Le reste n'est que décorum. C'est d'autant plus dommage que ces acteurs jouent très bien... J'ai simplement eu l'impression que les découpes faites au montage ont fait passer à la poubelle de nombreuses scènes qui manquent.

Du résultat

Jeanne d'Arc by Luc Besson, c'est une belle tapisserie qui est mal assemblée et laisse paraître le jour en de nombreux endroits. Chaque détail est intéressant, mais sitôt que l'on prend du recul, c'est imparfait et grossier. Si je n'aime pas beaucoup les films se basant sur des faits historiques, mais qui se veulent avant tout des fictions (autant inventer une histoire), cela ne m'a ici pas dérangé outre mesure. En effet, qui peut assurer ou prouver tel ou tel fait concernant Jeanne d'Arc? Certains éléments semblent plus ou moins acceptés par les historiens, d'autres sont plus sujets à discussion.

Le point fort est sans nul doute la discussion entre Jeanne et Dieu. Elle implore son aide, affirmant ne pas comprendre pourquoi il la plonge dans le malheur, elle qui n'a fait que suivre ses ordres. Mais Lui démontre qu'il n'a jamais «dit» quoi que ce soit. Il lui montre que les «signes» perçus sont le fruit de sa propre interprétation. A ce propos, je recommande la vision de la scène de la découverte de l'épée. Un moment drôle, à la limite d'être hors de propos. Plus sérieusement, ces diverses discussions sont un questionnement profond de ce qu'est la foi et du détournement que l'on peut en faire. Hélas, ce ne sont que cinq petites minutes dans un film de plus de 2h!


Post scriptum

Jeanne d'Arc, c'est un projet trop grand qui aurait pu être une série à la manière des Tudors. A moins d'être très au fait de l'histoire de France et de la période concernée, la notion de temps est très difficile à appréhender. Les batailles s'enchaînent-elles? Y a-t-il un répit entre celles-ci? En conclusion, si je devais m'adresser à Luc Besson, j'aurais à nouveau envie d'utiliser cette réplique de Cyrano de Bergerac: C'est un peu court, jeune homme!