Antichrist


Antichrist

De Lars von Trier
Avec Charlotte Gainsbourg, Willem Dafoe

Suite à la mort accidentelle de leur enfant, un couple doit traverser l'épreuve du deuil.





Au secours, Satan m'habite...

Voilà un film qui aura su faire couler de l'encre. Décrié, méprisé, conspué par une ribambelle de journalistes et critiques bien-pensants, c'est pourtant bien un vrai film. Je vais essayer d'en parler sans pour autant tomber dans le piège inverse, soit louer le film à outrance en espérant ainsi passer pour un intellectuel élitiste.

Le squelette. La structure du film se fait en chapitres. Prologue, chapitres 1 à 4 et épilogue. Le rapprochement est peut-être trop facile, mais on n'est pas loin de la construction classique d'un drame en cinq actes. L'autre élément frappant, c'est qu'à l'exception de deux scènes, les seuls acteurs sont Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg (trois si l'on compte l'enfant). L'introduction de chaque nouveau chapitre, de même que le titre et le générique de fin se font via des inserts, un peu comme pour les films muets. Le tout accompagné d'une musique étouffante et très «lourde».

L'affreuse beauté. Le prologue et l'épilogue se déroulent en noir/blanc dans un ralenti quasi-onirique (ou cauchemardesque, c'est selon). Personnellement, j'appellerai cela les visions de l'esprit ou de la mémoire. Dans le prologue, l'accident nous est raconté: alors que le couple est en plein coït (attention: l'imagerie est crue et les organes sexuels visibles). C'est ce qui déclenchera tout le processus des chapitres suivants. La force de ce film aux images définitivement choc, c'est de mêler mythologie de l'auteur (les trois mendiants seraient une invention de Lars von Trier?), photographie parfois à la limite de l'imagerie d'Épinal, et une part de réalisme qui ne peut que parler au spectateur, dans la mesure où les deux parcours (celui de Charlotte Gainsbourg et celui de Willem Dafoe) sont totalement crédibles, bien que extrêmes.

Le fantastique. En dehors de son titre pouvant faire penser à La Malédiction de Richard Donner (The Omen, 1976), le film comporte une aura fantastique qui n'est pas sans rappeler des films comme Rosemary's Baby (1968) de Roman Polanski ou encore L'Exorciste de William Friedkin (The Exorcist, 1974). Pourtant les éléments «surnaturels» sont peu nombreux: le renard qui parle avec sa réplique «Chaos reigns!», les animaux représentant les trois mendiants et le corbeau, les corps «perdus» dans la nature. Deux autres éléments appartenant davantage au genre «horreur» s'ajoutent à la recette avec la scène de la meule, où l'on s'approche d'un Saw de James Wan (2004) ou d'un Hostel d'Eli Roth (2005), et l'auto excision du personnage de Charlotte Gainsbourg.

Ce dernier point me conduit à aborder le côté choquant du film. Est-ce que Lars von Trier a voulu choquer gratuitement? Sincèrement, je ne crois pas. Alors oui, je dois avouer que j'ai été très surpris de certaines scènes (gros plan sur le coït, la masturbation de Charlotte, l'éjaculation sanglante de Willem Dafoe, la meule...), mais dans une certaine manière, cela reste cohérent. Le film parle véritablement d'une descente aux enfers d'un couple, où l'un comme l'autre chutent dans la folie.

Quant à l'accusation de misogynie formulée à l'encontre de Lars von Trier, ce sont clairement des critiques qui n'ont pas regardé le film. Personne n'a le beau rôle dans cette histoire et Willem Dafoe est encore plus détestable, plus lâche, quand il se réfugie dans son rôle de thérapeute. Au final, il ne fait montre de ses sentiments que lors du convoi funèbre dans le premier chapitre. A l'instar de l'information, trop de raison tue la raison.

En conclusion, c'est un film qui a déjà fait naître le débat. Comme cela a déjà été dit par d'autres, il vaut la peine d'être défendu et d'être vu. Cependant, il faut aussi reconnaître que ce n'est pas un film tout public, car il requiert une ouverture d'esprit, une sensibilité et une capacité de réflexion... Cela faisait quelques temps déjà que je n'avais pas eu l'impression d'avoir assisté à un film où il y avait beaucoup plus que des images et du son...